«La promesse du bout du monde» de Danielle S. Marcotte :

À la recherche de ses origines

5 mai 2021
Actualité
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La promesse du bout du monde
de Danielle S. Marcotte :
à la recherche de ses origines

 

En 1786, Alexis, quinze ans, s’embarque à Southampton (côte sud de l’Angleterre) pour une traversée vers l’Amérique, après avoir promis à son père d’aller le rejoindre en Acadie. Monté à bord du mauvais navire, l’adolescent aboutit sur la côte nord-est du Pacifique. Il sera abandonné en pleine forêt, où il fera la rencontre d’une fillette autochtone. Seule rescapée de sa communauté, celle-ci lui enseignera les rudiments de la survie dans l’écosystème qu’elle connaît. La quête d’Alexis le mènera jusqu’à Monterrey, en Californie, avant qu’il puisse retourner en Angleterre afin de prendre enfin le bon bateau vers l’Acadie. C’est ce que raconte La promesse du bout du monde, un roman jeunesse écrit par Danielle S. Marcotte et publié aux Éditions Bouton d’or Acadie.

Le personnage d’Alexis devra surmonter les épreuves qui se présentent à lui afin de réaliser sa promesse. Même abandonné sur la côte du Pacifique, explique l’autrice, il veut absolument tenir la promesse faite à son père. C’est ce qui va le motiver à survivre et à chercher un moyen de se rendre en Acadie. Pour ce faire, le protagoniste n’aura d’autre choix que de faire confiance à une jeune Autochtone de dix ans. Il sera face à des dilemmes d’ordre moral, comme celui d’abandonner sa nouvelle amie à un sort incertain ou de rester avec elle. Lorsque La Pérouse invite Alexis à monter sur son bateau, le jeune homme se retrouve devant un choix déchirant, ajoute Marcotte. Il doit décider s’il abandonnera la petite fille toute seule dans son village en acceptant cette proposition, [alors qu’il se sent hautement] redevable envers la fillette, sans qui il serait mort et n’aurait jamais rencontré l’explorateur français.

C’est un roman où le salut passe par l’entraide entre l’Autochtone et le jeune Blanc, qui ignore tout du monde dans lequel il vient de débarquer. Cette œuvre va même plus loin : elle relate la profonde quête identitaire d’un adolescent. L’essence du roman, c’est un garçon qui […], malgré les mésaventures de la vie, essaie de trouver sa place d’homme sur la planète. À travers le voyage d’Alexis, l’autrice a ainsi mis en scène un important rite de passage, une étape archétypale du développement humain – ce moment où l’on cherche qui l’on est et ce que nous voulons dans la vie en tant qu’homme ou femme.

Une histoire riche mais méconnue

Ce livre invite le lectorat à découvrir des pans méconnus de l’histoire canadienne. Ces événements qu’au fil d’une conversation l’on mentionne brièvement, que l’on a carrément oubliés, ou encore, que l’on a omis ou dénaturés dans les manuels scolaires… – ces éléments d’histoire reprennent de plus en plus leurs droits dans la littérature actuelle, qui parfois s’intéresse à notre passé pas toujours rose. Si Marcotte s’y est penchée néanmoins, nous dit-elle, [c]’était en partie pour parler de l’histoire acadienne et pour montrer tout ce qu’elle a d’excitant : ces choses dont on ne parle jamais parce qu’il faut toujours juste parler de Cartier, de Champlain, Laurier et de Macdonald. Alors qu’en fait, nous avons une histoire très riche avec toutes sortes de subtilités suivant les époques. Notre histoire est remplie de pirates, de corsaires et de grands explorateurs; je ne sais pas pourquoi on la présente de manière si plate.

Une épidémie venue d’Europe

L’autrice aborde également le choc microbien qui a tant fait de ravages au sein des communautés autochtones partout en Amérique. Je voulais aussi profiter de l’occasion pour parler de l’impact incroyable que [la conquête européenne] a eu sur les Premières Nations. Pour l’essentiel, la rencontre aura en effet été désastreuse pour ces communautés. On en parle toujours d’un point de vue général, mais jamais quotidien, c’est-à-dire des effets sur le quotidien d’un village quand il était dévasté par les maladies européennes, ne laissant qu’une ou deux personnes en vie. Cela fut catastrophique pour les Premières Nations, cela a changé le cours de leur histoire. C’était des peuples où le savoir était transmis de manière orale, donc si tu enlèves une génération entière… c’est comme si [aujourd’hui], nous perdions Wikipédia et nos livres. Il y a eu une perte de savoir immense. Dans le roman, le témoin de cette tragique perte prend la forme d’une petite fille autochtone, unique survivante de son village décimé par la maladie.

Dans un autre ordre d’idées, La promesse du bout du monde explore l’histoire acadienne à travers les yeux d’Alexis, qui est né en Angleterre de parents acadiens déportés. Après plusieurs années, les Britanniques ont permis aux Acadiens de rentrer en terre natale. Le père de « mon petit Acadien » décide d’y retourner avec son fils aîné. Alexis, fait alors la promesse à son père d’aller les rejoindre. On dépeint ainsi un exemple du voyage qu’ont dû entreprendre de nombreux Acadiens, post-déportation. Certains, comme le jeune Alexis, ont dû traverser le monde entier avant d’arriver à bon port. C’est ce qui fait du roman une aventure plus grande que nature, au cœur de l’Amérique, à la poursuite de ses racines.

Le roman jeunesse La promesse du bout du monde de Danielle S. Marcotte est paru aux Éditions Bouton d’or Acadie, aux formats papier et numérique.

Julien Charette
5 mai 2021