«Une journée poney!» de Hélène de Varennes: Une fiction à la hauteur de la réalité

31 octobre 2018
Nouveauté de la semaine
Partagez

Chaque semaine, le Regroupement vous présente
une nouveauté franco-canadienne

Une journée poney! de Hélène de Varennes

Une journée poney! Pemkiskahk'ciw ahahsis! A pony day!

Une fiction à la hauteur de la réalité

Grâce à son expérience professionnelle dans plusieurs écoles situées dans des communautés des Premières nations à travers le Canada, Hélène de Varennes est arrivée à un triste constat : les livres représentant des autochtones le font souvent dans une perspective historique et lointaine, en racontant leurs traditions et légendes, mais jamais de manière qu’ils puissent se reconnaître aujourd’hui, dans leur vie de tous les jours. C’est pour pallier ce manque qu’elle a écrit Une journée poney!, un album jeunesse rédigé en  français, en anglais et en langue wolastoqey qui s’inscrit dans la collection Wabanaki des Éditions Bouton d’or Acadie.

La directrice générale et littéraire des Éditions Bouton d’or Acadie, Marie Cadieux, confirme que Hélène de Varennes a réussi son pari : Une journée poney!, c’est une histoire d’amour, d’une certaine façon, entre un grand-père et sa petite-fille; une petite fille qui a une imagination débordante et qui se laisse aller, justement, dans son imagination, tout en étant un peu en admiration devant son grand-père et son savoir-faire, et qui va découvrir comment on peut monter à poney. L’approche si simple et naturelle de dépeindre cette famille wolastoqey est si efficace que l’éditrice en oublie de mentionner que les deux personnages sont autochtones : c’est qu’ils pourraient être de n’importe quelle nationalité, c’est plutôt la belle relation intergénérationnelle qui prime.

L’auteure renchérit : c’est vraiment une histoire qui pourrait arriver dans bien des communautés, bien des cultures, mais je voulais absolument que sur les images soient représentés des gens autochtones. L’objectif principal de l’écrivaine est de donner un visage humain et actuel à ces familles, en faisant comprendre que bien qu’elles puissent vivre dans un contexte différent que d’autres familles canadiennes, on y retrouve là aussi des enfants qui grandissent, qui rient, et des grands-parents qui adorent leurs petits-enfants. Je trouve ça important d’avoir les légendes et les récits aussi, de connaître leur histoire, mais il faut aussi qu’on puisse s’identifier aux familles autochtones, en tant que Blancs, en réalisant que ce sont des gens comme nous, qui aiment leurs enfants et qui veulent aussi le meilleur pour eux.

Avec ce nouveau titre, les Éditions Bouton d’or Acadie ont décidé d’amener la collection Wabanaki vers des histoires contemporaines, où on verrait des personnages issus des Premières nations dans des situations amusantes, universelles, qui pourraient arriver à n’importe quel personnage de n’importe quelle nationalité. Ça ne veut pas dire qu’on ne fera pas d’autres légendes, contes ou histoires traditionnelles, mais je pense qu’on est rendus à un moment où on a besoin simplement que les Premières nations se voient dans des choses positives, amusantes et de la vie de tous les jours. C’est sûr qu’il y a des problèmes importants encore à régler, et qu’il faut en parler, mais il y a aussi des choses très bonnes, très positives, des communautés qui se tiennent, et c’est important de se voir dans cette lumière-là aussi, affirme Marie Cadieux.

Contrairement aux autres titres de la collection, Une journée poney! ne contient donc aucun enseignement ou morale particuliers, et se contente de montrer des gens dans un rapport aimant et tendre, dans un récit ludique qui pourrait être universel. Il met néanmoins de l’avant de fortes valeurs familiales et de respect des aînés. C’est une histoire avec un minimum de mots, mais tous les mots qui sont là sont des mots de confiance, de complicité, de partage, et la petite Joséphine sait bien qu’elle est en sécurité avec son grand-père. Elle peut bien s’imaginer tout plein de choses et se dire que c’est difficile de monter à poney, se demander comment on fait ça, mais elle sait bien que son grand-père va avoir des réponses et va la guider dans quelque chose qui va être amusant et plaisant, décrit l’éditrice.

D’ailleurs c’est l’imagination que Hélène de Varennes souhaitait aussi mettre de l’avant : je crois beaucoup qu’on vit dans un monde très sérieux, alors c’est important que les enfants puissent juste laisser aller leur imagination quand ils lisent des livres. Si on ne nourrit pas l’imagination des enfants, qui deviendront des adultes, où est-ce qu’on va aller chercher la créativité pour trouver des solutions novatrices à nos problèmes complexes? s’interroge l’auteure, qui apprécie particulièrement les illustrations du livre, un mélange de photographies et d’illustrations, qui mettent bien en valeur tout ce que la petite fille s’imagine.

Inspirée de ses ateliers auprès des jeunes et des questions que posent certains tous-petits lorsqu’on leur présente un concept qu’ils ne comprennent pas, l’auteure s’est en quelque sorte branchée sur le monde des enfants pour imaginer son récit. Marie Cadieux la trouve d’ailleurs très habile, notamment dans ses jeux sur les mots. Pour « conduire » un poney, Joséphine pense que ça lui prend un volant, donc elle s’imagine qu’il y a un volant sur le poney. Alors c’est à la fois l’imagination visuelle, mais c’est aussi l’imagination cognitive de prendre un mot et de l’étendre plus largement. C’est normal, quand on se place devant une nouvelle aventure et qu’on a six ans, qu’on se demande ce qui va arriver, mais Hélène de Varennes raconte sans condescendance, sans mièvrerie, illustre l’éditrice.

Une belle valorisation du monde des enfants a donc lieu dans Une journée poney!, notamment en raison de ses illustrations, dont une partie est dessinée comme par la main d’un enfant. Il y a le professionnalisme des photos et le travail des couleurs, mais il y a aussi le côté un peu griffonné au Crayola d’un dessin d’enfant, ajoute Marie Cadieux. De plus, étant donné que l’histoire est disponible en langue wolastoqey tant à l’écrit qu’en version audio, il y a aussi une volonté de préserver cette langue présente dans six communautés au Nouveau-Brunswick, et un désir de créer des ponts entre les cultures, explique Hélène de Varennes, qui a choisi de verser ses redevances à l’organisation Fonds pour l’avenir des enfants des Premières nations, dans un désir de participer à la réconciliation, tout comme son livre, entre autochtones et allochtones.

L’album jeunesse Une journée poney! est publié dans la collection Wabanaki des Éditions Bouton d’or Acadie.

Alice Côté Dupuis
31 octobre 2018