«Faire éclater le système… pour le meilleur et pour le pire» au 40e Salon du livre de Montréal

23 novembre 2017
Carnets
Partagez

Trois auteurs franco-canadiens s’attaquent aux révoltes!

Avec tous les mouvements révolutionnaires qui sont présents un peu partout sur la planète et qui meublent nos bulletins télévisés ou tapissent nos journaux, il n’est pas étonnant que des auteurs conscientisés comme Jocelyne Mallet-Parent (Éditions David), Vittorio Frigerio (Prise de parole) et Louenas Hassani (Éditions L’Interligne) aient décidé de s’en inspirer dans leurs écrits. Réunis dans une même discussion samedi, au 40e Salon du livre de Montréal, ils ont partagé leurs impressions de ces révolutions et de leurs répercussions sur les individus.

Révolution! de Vittorio Frigerio, La république de l’abîme de Louenas Hassani, et Basculer dans l’enfer de Jocelyne Mallet-Parent, présentent tous des personnages qui ont une quête commune : faire éclater le système. Que ce soit au moyen de nouvelles, comme l’exploite M. Frigerio, ou de la fiction, dans le cas des deux autres écrivains, la révolution est un sujet particulièrement inspirant pour créer des fictions. J’aime écrire sur l’actualité, n’a pas hésité à affirmer Jocelyne Mallet-Parent, une grande consommatrice de nouvelles, dans lesquelles elle estime être bombardée par les attentats qui nous sont ramenés incessamment, ce qui ne nous donne pas le temps de les oublier. De son propre aveu, la romancière éprouve moins de plaisir qu’avant à prendre l’avion, et elle a de plus en plus peur d’être au mauvais endroit au mauvais moment. C’est de cette peur que les sujets de livres me viennent, a-t-elle confié.

Pour amener un élément de réponse à tous ces actes violents perpétrés un peu partout sur la planète, Vittorio Frigerio a avancé que ceux qui passent à l’action sont pour la plupart des jeunes, et les jeunes sont des idéalistes. Le personnage de Louenas Hassani, d’ailleurs, est un jeune poète rêveur, qui vit sous le joug d’un régime totalitaire dans une république islamique. Ce personnage aspire à une vie meilleure, il rêve d’aimer publiquement, de pouvoir vivre librement de l’art, de sa poésie, mais tout cela est interdit. La peur d’un peu tout est partout, a-t-il résumé, ajoutant qu’il a écrit ce roman pour déconstruire idéologiquement cette inquiétude.

Nous sommes pareils dans nos aspirations, partout. On aime tous nos enfants, ajouta l’auteur publié aux Éditions L’Interligne, avant que la conversation ne se tourne vers les tabous et l’ignorance, possiblement les plus grands bassins du radicalisme, lieu intérieur d’où provient la peur de l’autre. Mais ces tabous encourageraient-ils aussi une quête révolutionnaire mal guidée? Quand on est jeune, on veut tous un peu changer le monde. Ça fait partie de la jeunesse de vouloir lutter pour faire sa part, a expliqué Jocelyne Mallet-Parent, qui met en scène dans Basculer dans l’enfer trois jeunes issus de trois milieux différents : une famille montréalaise, un moyen-oriental de l’autre côté de l’Océan et un immigré de famille moyen-orientale à Montréal.

De son côté, Vittorio Frigerio questionne, dans son recueil de nouvelles, dans quelle mesure les pulsions révolutionnaires naissent d’un sentiment d’injustice. Cette énorme envie de changer dépasserait largement, selon lui, l’emplacement, la position historique ou géographique d’une personne : s’indigner, avoir envie de tout faire péter, ça peut arriver à tout le monde, tout le temps. Pourtant, il y a bien des constats à faire sur la situation actuelle : peut-on dire que c’est pire qu’avant, que nos jeunes sont en manque de repères, de projet collectif? a questionné Jocelyne Mallet-Parent.

La guerre, quoiqu’on en pense, serait-il un merveilleux projet collectif? a eu l’audace d’avancer l’auteure publiée aux Éditions David, qui mettait certainement le doigt sur une question fondamentale. Mais dans toute cette perte de repères et dans cet individualisme ambiant, la littérature pourrait-elle nous aider à penser le monde différemment? À cela, Mme Mallet-Parent a répondu en citant l’auteur Grégoire Delacourt : les livres sont un merveilleux rempart contre la barbarie. Ils nous permettent donc de créer un monde meilleur et de s’évader, a estimé l’écrivaine.

Moins optimiste, Vittorio Frigerio a constaté que la barbarie trouve toujours le moyen de se manifester, mais que la littérature a tout de même la vocation de changer le monde et de faire réfléchir. En avançant que la littérature a le pouvoir de magnifier le monde grâce aux fictions inventées, Louenas Hassani a clos cette conversation, toujours de bien jolie façon. Le rôle de la littérature est de semer l’utopie, de dire les possibles qui nous sont donnés pour aller vers notre quintessence. À cela, on ne saurait quoi ajouter de plus que ce que Myriam Caron-Belzile, animatrice de la table ronde, a lancé en conclusion: Vive la littérature semeuse d’utopie!

La table ronde « Faire éclater le système… pour le meilleur ou pour le pire », organisée par le Regroupement des éditeurs franco-canadiens, a eu lieu le samedi 18 novembre à l’Agora lors du 40e Salon du livre de Montréal.

Jocelyne-Mallet-Parent en table ronde Table ronde Louenas Hassani et Vittorio Frigerio

Alice Côté Dupuis