Petites déviations de Lise Gaboury-Diallo :

faire le tour de la question

16 mars 2022
Actualité
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Petites déviations
de Lise Gaboury-Diallo :
faire le tour de la question

 

Pour son plus récent recueil de poésie, l’autrice manitobaine Lise Gaboury-Diallo a été inspirée par un panneau publicitaire aperçu lors d’un voyage à Milan, en Italie. Cette affiche promotionnelle mettait de l’avant les surrogati, un terme traduisible en français par « mères porteuses ». De ce simple mot, des centaines de questions ont éclos dans son esprit, et au terme de ces réflexions est né petites déviations, un recueil divisé en quatre parties, paru au début de l’année aux Éditions du Blé.

Pour surrogati, les anglophones ont l’équivalent surrogate mothers; une traduction plus littérale du terme en français serait « mères de substitution ». Cette idée de se substituer ou de laisser quelqu’un se substituer à soi, de prendre un chemin pas forcément prévu, par obligation, par choix ou par accident, a éveillé chez Lise Gaboury-Diallo plusieurs questionnements. Qui est-ce qui accepterait d’être une mère porteuse? Dans quelles conditions est-ce qu’on devient substitut? À qui appartient l’enfant qui naît de cette situation, finalement?, interroge l’autrice, qui invite ses lecteurs et lectrices à réfléchir aux trajectoires prévues de nos vies et aux multiples façons d’en dévier.

La première partie du recueil, surrogati, a donc été rédigée à la suite de ce voyage et de cette vision d’un panneau publicitaire italien, et traite beaucoup du phénomène des mères porteuses, tandis que la seconde partie, « itinérances », s’intéresse aux objectifs que l’on décide de se fixer dans la vie sans toujours parvenir à les atteindre. Une troisième partie, intitulée « spectre », se tourne davantage vers le passé, vers ce qui a été fait, vers les relations déjà établies, alors que la dernière section, « charge statique », cherche à élucider comment nos émotions sont parfois maîtres de nos actions et réactions, et de quelle façon elles nous amènent à changer de chemin ou, parfois, à revêtir un masque. A priori, [mon recueil] peut avoir l’air un peu disparate, mais je pense qu’il y a tout au long [l’idée directrice] d’une déviation du cours normal des choses, indique la poétesse.

Quelques mots suffisent

Bref, à partir d’un seul mot, surrogati, l’esprit de Gaboury-Diallo s’est joliment emballé, jusqu’à élaborer le recueil que voici : Je me suis dit que quelqu’un qui ne peut pas avoir d’enfant va évidemment chercher une solution. Ça peut être l’adoption, ça peut être une mère porteuse, mais forcément, c’est un choix qui a un impact sur le cours d’une vie, sur un projet de vie, et qui n’était pas le chemin que cette personne pensait prendre, élabore-t-elle davantage. De là, elle a écrit tout l’été et en est ressortie avec les deux premières parties du recueil. Pour couronner le tout, elle a sélectionné des poèmes pour la plupart déjà composés dans le passé afin de constituer les troisième et quatrième parties, ce qui démontre à quel point l’autrice est habitée depuis longtemps par des réflexions semblables.

Je pense qu’on est toujours un peu en train de dévier, dans notre vie, révèle l’écrivaine, qui croit que le titre de son recueil servira à lui seul de guide et de fil conducteur pour déchiffrer ses textes. Ses poèmes courts, évocateurs et accessibles cherchent à évoquer beaucoup – émotions, souvenirs ou réflexions – en peu de mots.

Questionner par la poésie

La poésie que j’écris m’amène à songer à différentes réalités ou expériences qui, je l’espère, seront partagées par les gens, [afin] qu’ils puissent s’y reconnaître. J’essaie de susciter des émotions, aussi, alors j’espère que mes poèmes feront réfléchir et pourront émouvoir les lecteurs [et lectrices], confie l’autrice manitobaine qui, en plus d’écrire de la poésie, a aussi publié des nouvelles, des pièces de théâtre et des essais. C’est qu’elle estime, de façon générale, que les écrits sont la voie royale pour qui souhaite creuser des questions et des réflexions, par exemple sur divers choix de vie parfois difficiles à justifier. La citation d’Ionesco, en épigraphe de la partie surrogati, étonnera elle-même peut-être, mais Gaboury-Diallo rappelle que ce maître de l’absurde savait lui aussi, par les mots, amener ses lecteurs et lectrices à faire le tour des questions incompréhensibles de la vie.

Pour moi, la poésie est une façon de composer avec l’inconnu, avec les questions qui demeurent, avec l’indicible, l’insondable et l’imprévu, ajoute l’écrivaine, énumérant toutes sortes de situations qui la font réfléchir, jusqu’à celle, universelle et intemporelle, de ce qu’il advient après la mort. On a toutes sortes d’hypothèses mais, finalement, on est face à plusieurs questions. Et pour moi, la poésie est une façon de coucher sur papier toutes ces interrogations,affirme celle qui espère que ses lecteurs et lectrices sauront faire « vibrer » avec elle ses réflexions poétiques.

Le recueil de poésie petites déviations est paru aux Éditions du Blé.

Alice Côté Dupuis
mars 2022