Voyager en imagination
Chaque semaine, le Regroupement vous présente
une nouveauté franco-canadienne
Émilie la pirate, d’Hélène Devarennes :
voyager en imagination
Après deux années de pandémie à observer le monde qui l’entoure, et plus particulièrement le monde de sa propre petite-fille, l’Acadienne Hélène Devarennes s’est lancée dans l’écriture d’une nouvelle série de livres jeunesse dont le premier tome, Émilie la pirate, a été publié en février dernier aux éditions Apprentissage Illimité. Avec ce nouveau personnage prêt à vivre bien des aventures, l’écrivaine invite les enfants à mettre à profit leur créativité pour, notamment, se remonter le moral.
Personnage largement inspiré de la petite-fille de sa créatrice, l’héroïne d’Émilie la pirate se veut surtout un avatar pour le plus grand nombre d’enfants possibles : Devarennes a tout fait pour que toutes et tous se sentent interpelée(e)s dans l’incompréhension et la colère que vit la petite Émilie. Émilie est une petite fille qui n’est pas très contente, apprend-on. Elle est triste, elle pleure, elle tape du pied; tout ça parce que sa maman lui dit qu’elle ne peut pas aller visiter ses grands-mères à cause du coronavirus. De nombreux enfants ont effectivement dû contenir des sentiments très complexes depuis deux ans, et pour l’autrice, il était important de leur montrer qu’ils ne sont pas les seuls à vivre de telles émotions : Tous les enfants se fâchent, tous les enfants font des crises. Quand on se reconnaît dans un livre, c’est plus facile de vivre ses émotions, de les accepter et de les gérer, croit Hélène Devarennes.
Pour Émilie, une des issues sera l’imaginaire : Ses parents lui proposent d’aller jouer dans la baignoire et de s’imaginer être une pirate. Le livre explore donc autant le thème des émotions – telle la déception – que celui de l’imagination, qui a le pouvoir de faire voyager. L’autrice souhaite ainsi mettre de l’avant qu’il est possible de transcender des émotions négatives et, par le fait même, propager l’importance de créer et de se plonger dans son propre imaginaire! L’ancienne directrice d’école estime qu’il est primordial d’enseigner et d’encourager [le recours à] l’imagination, parce que c’est seulement avec beaucoup d’imagination qu’on peut arriver à trouver des solutions à des problèmes complexes.
C’est ainsi qu’aidée d’illustrations qui viennent la transformer en une véritable pirate, l’héroïne de l’album jeunesse part à la recherche d’un trésor. Chemin faisant, Émilie croisera notamment un pêcheur, et à son retour sur la terre ferme, dans la salle de bain, elle en aura oublié sa peine. Pour stimuler encore davantage les jeunes lecteurs et lectrices, Devarennes ajoute qu’il est possible d’animer le livre de différentes façons, par exemple en posant des questions comme : « Qu’est-ce qu’il y a dans le trésor, tu crois? Et toi, si tu trouvais un trésor, qu’est-ce que tu aimerais qu’il y ait dedans? » Interroger les enfants peut leur faire développer [un sens de la] réflexion et un esprit critique [plus poussés]. On peut aussi, avec les enfants, dessiner une carte comme celle d’Émilie : on peut cartographier la maison, cacher un trésor quelque part et s’amuser avec son frère, sa sœur, sa maman, son papa, à le chercher!
S’amuser en restant dans la vérité
Sans miser uniquement sur la pandémie de coronavirus, Émilie la pirate explore néanmoins les émotions que les enfants et les parents ont éprouvées durant cette période particulière. Pour l’autrice, il était important d’appeler un chat un chat : Les enfants, on pense qu’on peut leur cacher des choses, mais [il suffit qu’ils et elles] entendent des bouts de conversation pour deviner ce qui se passe. Et si on ne nomme pas les choses [par leur nom], parfois, ça peut leur faire encore plus peur. Tout à coup, on ne peut plus aller visiter ses amis, sa famille, il faut porter un masque, on ne peut plus aller à l’épicerie avec sa maman comme avant…, énumère Hélène Devarennes, qui estime que ces nombreux et rapides changements ont bel et bien de quoi inquiéter les jeunes.
Même pour s’adresser à un lectorat du plus jeune âge, il est possible, en recourant à un vocabulaire adapté, d’expliquer des vérités complexes. C’est bien ce qu’a décidé de mettre en pratique Devarennes dans cet album, qui connaîtra par ailleurs deux suites dès l’automne prochain : Émilie la cavalière et Émilie l’astronaute. L’écrivaine a même décidé d’insuffler à son héroïne une fibre féministe, forte et fière. Elle négocie avec le capitaine du bateau quand il lui dit : « Si je vous mène au trésor, est-ce que vous le partagerez avec moi ? », dit-elle en rigolant, contente d’avoir donné à son personnage une personnalité intrépide et courageuse.
Voyager d’est en ouest sur le territoire canadien
Hélène Devarennes est par ailleurs très fière de la version audio de son livre jeunesse, qui est agrémentée d’effets sonores et de musique. Le livre est publié par Apprentissage Illimité, qui est une maison d’édition de l’ouest canadien, mais l’audio est enregistré ici, dans l’est. Alors c’est un peu une célébration des accents de l’est à l’ouest du Canada, raconte celle qui narre elle-même l’aventure de son héroïne. C’est à la suite d’une stratégie nationale sur la sécurisation linguistique visant à célébrer les accents francophones d’un océan à l’autre – initiative lancée par un groupe de travail chapeauté par la Fédération de la jeunesse canadienne-française – que l’idée est venue de réaliser cette version audio d’Émilie la pirate, non seulement pour créer des ponts, mais aussi pour rejoindre le plus de jeunes possible par le biais de cette histoire mettant de l’avant le pouvoir de l’imagination, afin qu’il et elles puissent s’y reconnaître et y voir un exemple de comment réguler leurs émotions.
L’album jeunesse Émilie la pirate vient de paraître chez Apprentissage Illimité.
Alice Côté Dupuis
mars 2022