Croisements littéraires: Nicole V. Champeau vous présente Sonia Lamontagne

3 avril 2019
Entrevues portraits
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Le Regroupement des éditeurs franco-canadiens célèbre ses 30 ans en 2019. Nous avons donc eu envie de mettre en lumière les auteurs qui ont cheminé à nos côtés durant toutes ces années, mais aussi ceux qui se sont plus récemment joints à l’aventure. En alternance, dans une sorte de chassé-croisé, les auteurs de la relève vous parleront d’auteurs établis qu’ils respectent, et les auteurs chevronnés vous présenteront de jeunes auteurs prometteurs.

Cette semaine : Nicole V. Champeau vous présente Sonia Lamontagne

Nicole V. Champeau présente Sonia Lamontagne

C’est au Festival de la poésie de Trois-Rivières que l’auteure Nicole V. Champeau a rencontré la poète Sonia Lamontagne, il y a quelques années, où elles avaient toutes les deux participé à une table-ronde et à une lecture de poésie. Il n’en fallait pas plus pour que Nicole V. Champeau ait envie de découvrir davantage sa consœur, charmée par sa fraîcheur, ses thèmes et ses propos.

Selon l’auteure lauréate du Prix du Gouverneur général dans la catégorie essai francophone, il y a une sensibilité et une force fragile dans la poésie de Sonia Lamontagne. C’est une poésie qui est très ancrée, elle puise dans une matière vraiment quotidienne et vivante, et il y a aussi les images et son attachement à la langue, surtout en milieu minoritaire! C’est pour toutes ces raisons que je l’ai choisie, révèle Nicole V. Champeau, qui a trouvé les deux recueils de sa collègue, À tire d’ailes (2011) et Comptine à rebours (2015), très différents, mais tous les deux très touchants. Elle emploie d’ailleurs le qualificatif touchant lorsqu’elle décrit le travail de Sonia Lamontagne, qu’elle trouve aussi très sensible et surprenante, voire audacieuse.

Une écriture sensible

Nicole V. Champeau : L’écriture de Sonia Lamontagne est sensible, autant dans les sujets qu’elle aborde que dans la façon de les traiter. Elle est ancrée, aussi, et elle est à la portée de tout le monde. Elle est la porte-parole d’une voix nouvelle, celle qui pose les questions – qui se pose des questions et qui pose des questions. C’est l’attachement à la langue, surtout en milieu minoritaire, aussi, qui m’interpelle. À un moment donné, elle dit « Je suis en peine du Nord », c’est pas beau, ça? C’est beau!

C’est ça sa force : parce que c’est ancré dans le territoire, c’est accessible à tout le monde. Ça a l’air contradictoire tout ça, mais ça a souvent été dit : il faut être régionaliste pour être universel. Plus on est ancrés dans une matière vive qui est le monde qui nous entoure, plus on a de chances d’accrocher un auditoire plus grand.

C’est une voix qu’elle donne à ceux qui sont marginalisés. Ils ont une nouvelle voix; c’est très sensible, c’est incarné dans un vécu et dans une vie. Surtout, c’est son amour pour la province, pour le Nord de l’Ontario. C’est un coin de pays qu’elle habite et qui l’habite, aussi, et qui prend un autre visage; c’est un visage qui s’exprime et qui s’imprime dans les textes de Sonia Lamontagne.

Une auteure touchante

N.V.C. : Au cours de ses lectures de poésie, je me rendais compte à quel point elle touchait et que son contact auprès de son auditoire était immédiat. Même si son propos est de nature régionaliste, il demeure qu’elle atteint une dimension plus grande.

Son propos est singulier; il y a en elle un paysage urbain, et elle le nomme : Sudbury, Moonbeam, Marathon… On est dans le quotidien, mais on le dépasse toujours avec des images qui touchent tout le monde.

C’est aussi son attachement au milieu qui m’a vraiment touchée. Par exemple, elle dit « Ma place est ici là-bas, quelque part sur une autoroute » ou « Je suis en plein Nord » ou encore « Je goûte Sudbury ». Je trouve ça beau.

Dans son second recueil, il y a comme un croisement intéressant : on se retrouve à chevaucher entre l’âge numérique et le monde de l’enfance, qui ne meurt jamais. Moi j’ai trouvé ça très touchant, l’image de l’enfant qui a vraiment peu de pouvoir, qui est à la merci des adultes, qui pose des questions, mais il est toujours à la merci de ceux qui sont en position d’autorité. On prend conscience qu’au fond, l’enfance ne nous quitte jamais. J’ai beaucoup aimé ça.

Une audace surprenante

N.V.C. : Ses deux recueils sont différents. Dans le deuxième, on est vraiment dans l’ère de l’informatique et l’enfant qui interroge sa mère. Et le premier est tout à fait différent, parce que le paysage est plus urbain, nommément à Sudbury et Moonbeam, par exemple, et ça me parlait beaucoup. Le propos est différent entre les deux, et je ne sais pas où elle va aller après : elle a beaucoup d’imagination et on ne sait pas où cette imagination va la mener; si elle va intégrer les voyages qu’elle a fait dans le passé, par exemple. On ne sait pas ce qu’elle va nous réserver, donc il faut lire les deux, parce que les deux ont des propos intéressants, et en même temps, il y a comme un chevauchement intéressant, aussi.

Il y a en Sonia Lamontagne une curiosité, et un désir de voyage, aussi; d’aller voir ailleurs, mais tout en restant ici. Elle se renouvelle, Sonia. C’est une poète à suivre, parce qu’on ne sait pas quel sera le thème de son prochain ouvrage, où la poésie va la conduire, quoi. On reste dans l’inconnu, dans l’ailleurs, avec elle.

Propos recueillis par Alice Côté Dupuis