« Capitaine Boudu et les enfants de la Cédille » d’Éric Mathieu : Quand science-fiction et linguistique se rencontrent
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Capitaine Boudu et les enfants de la Cédille d’Éric Mathieu :
Quand science-fiction et linguistique se rencontrent
Avec son premier livre jeunesse intitulé Capitaine Boudu et les enfants de la Cédille, Éric Mathieu nous plonge dans un univers où se mélangent science-fiction et langage. Ce roman, publié aux Éditions L’interligne, raconte l’histoire de Félix et quatre autres enfants qui se retrouvent sur la station spatiale U+00B8, communément appelée « la Cédille ». Les gamins et gamines sous l’autorité du capitaine Boudu s’ennuient à mourir sur la Cédille, jusqu’au jour où une étrange créature s’écrase sur la station spatiale. Félix et le capitaine Boudu sont alors entraînés dans une aventure rocambolesque sur la planète Tanguy. Ils se retrouvent à aider les Picrocholes dans leur combat pour retrouver leur langue et leur culture.
Éric Mathieu est passionné par les alphabets et les langues. Une passion qu’il cultive en tant que professeur de linguistique à l’Université d’Ottawa depuis une quinzaine d’années déjà. Il m’avoue avoir découvert la linguistique et choisi ce domaine d’étude seulement une fois arrivé à l’université. Lorsque j’étais enfant, je ne savais pas que la linguistique existait parce qu’à l’école on ne l’enseigne pas vraiment. Ce roman jeunesse se veut une initiation au domaine de la linguistique et au concept de la quête identitaire. C’était aussi une manière de populariser la linguistique, d’introduire des thèmes simples, en lien avec ce sujet qu’on n’apprend pas vraiment à l’école. L’auteur tente en quelque sorte de populariser la linguistique chez les enfants, puisque la langue fait partie de leur identité.
Perdre sa langue
La perte du langage et de la culture est au cœur du roman d’Éric Mathieu. C’est bien l’enjeu qu’incarnent les Picrocholes, qui ont perdu leur langue au profit des envahisseurs Tanguiens. La situation culturelle et langagière des Autochtones du Canada, de même que celle de nombreuses autres populations dans le monde actuellement et au fil des siècles, est une source d’inspiration pour Éric Mathieu. On retrouve ça dans de nombreux pays où il y a des langues minoritaires ou qui ont été oubliées. L’auteur souligne que dans plusieurs cas, des colonisateurs sont arrivés en imposant leur langue aux populations locales. Donc, oui, c’est inspiré des Autochtones du Canada, mais aussi de manière plus générale du reste du monde.
La Pierre de Rosette des Picrocholes
Éric Mathieu s’est en outre inspiré de la Pierre de Rosette, le fragment de stèle ayant permis le déchiffrement des hiéroglyphes de l’Égypte antique. Sur cette tablette, découverte au dix-neuvième siècle, était gravé un texte en grec ancien aux côtés d’un texte en égyptien démonique et de hiéroglyphes égyptiens. Dans Capitaine Boudu et les enfants de la Cédille, nous retrouvons une pierre de ce genre. À un moment donné dans l’histoire, les Picrocholes vont trouver une tablette qui va les aider à retrouver leur langue. Tablette sur laquelle on retrouve [des inscriptions en langue] picrochole aux côtés de symboles tanguiens et [d’autres symboles dans le] langage secret développé par le gouvernement. C’est semblable à ce qui est arrivé dans la réalité avec les hiéroglyphes [d’Égypte].
Garder son cœur d’enfant
Félix, au début du livre, à la différence de ses camarades, il ne se trouve pas de talent. Au fil de ses aventures, il se trouve un talent pour le décodage des langues et pour le langage. D’une certaine manière, il devient un mini-linguiste. On comprend également à la fin qui s’est découvert un talent d’écrivain puisque c’est lui qui raconte l’histoire. Avec ce livre, Éric Mathieu veut montrer aux enfants qu’il ne faut pas qu’ils désespèrent s’ils ont l’impression de ne pas avoir de talent : ils finiront tôt ou tard par le trouver. Il voulait aussi les encourager à continuer de nourrir leur créativité une fois rendus à l’adolescence et à l’âge adulte. Les enfants, ils ont plein de talents : ils dessinent, ils aiment raconter des histoires, mais parfois ça disparaît une fois adulte, parce qu’il faut travailler.
Il est vrai qu’en vieillissant, nous avons tendance à oublier notre cœur d’enfant et à négliger notre créativité. Pour Éric Mathieu, cette triste réalité est en partie corollaire de la société occidentale. Je pense aussi que la société ne pousse pas les gens à être créatifs. La créativité et les arts sont des éléments importants pour qu’une société soit vivante, et non morne comme celle des Tanguiens. Comme le dit si bien Mathieu, ça serait triste de vivre dans une société où on n’a pas le droit de danser et de chanter.
Le roman jeunesse Capitaine Boudu et les enfants de la Cédille d’Éric Mathieu est paru aux Éditions L’Interligne aux formats papier et numérique.
Julien Charette
21 octobre 2020