«Annabelle» de Suzan Payne: Le crime parfait
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Annabelle de Suzan Payne
Le crime parfait
Dans cette époque où on entend parler de viols, de fusillades ou de guerres à tous les jours, l’auteure Suzan Payne trouve qu’on en est arrivés à banaliser l’horreur et à rendre les gens désensibilisés. Cette nouvelle réalité a certainement un impact sur les amateurs de romans de type polar, friands de sensations fortes, puisqu’on ne peut plus se contenter de simplement imaginer un homme entrant dans un appartement pour attaquer une femme : ça ne suscite plus l’indignation. Dans son nouveau polar intitulé Annabelle, le premier tome d’une trilogie intitulée « Pour toi mon amour pour toujours » publiée aux Éditions Perce-Neige, l’auteure néo-brunswickoise cherche donc à aller plus loin et à repousser les limites du malaise.
C’est un défi de maintenir le suspense, reconnaît Suzan Payne, mais c’est néanmoins important pour l’auteure de garder son lecteur toujours en suspens, de le tenir au bout de sa chaise, à vouloir savoir ce qui va se passer au prochain chapitre, et d’être toujours intéressé. Annabelle présente donc tout de suite les trois personnages principaux de sa trilogie, qui auront des liens particuliers et étonnants l’une avec l’autre qui se dévoileront petit à petit, au fil des trois tomes : il s’agit de trois femmes qui vivent dans la même ville sans se connaître, et l’une, Annabelle, se fera attaquer dès le début et sombrera dans un profond coma, tandis qu’une autre, Valérie, sera touchée par ce qui lui arrive et voudra l’aider, et que la troisième, Joëlle, qui est enquêteuse de police, sera chargée de l’enquête, résume l’auteure.
Il y a donc cet événement, dès le départ, qui plonge Annabelle dans le coma et qui fait le tour des bulletins de nouvelles, surtout parce qu’en plus de l’attaque contre la femme, son ami a été tué, alors il y a aussi un homme qui est mort, dès le début, parce qu’il est arrivé chez Annabelle par hasard, alors que le tueur était chez elle. Et le fou – moi je l’appelle le fou – a aussi torturé les chats de la victime, et il a écrit un message en sang sur un mur de sa chambre, ajoute Suzan Payne, qui avoue avoir utilisé la torture des chats pour créer un malaise chez le lecteur et que celui-ci soit outré, puisque c’est un geste complètement gratuit contre d’inoffensives bêtes que tout le monde aime.
Pourtant, Annabelle aussi était inoffensive et n’avait rien fait de mal à personne, mais malheureusement, elle s’est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle a fait une rencontre avec une personne qui n’était pas très bien dans sa tête, et qui a interprété un geste de la mauvaise façon, c’est-à-dire qu’elle lui a souri, c’est tout ce qu’elle a fait, raconte l’écrivaine, qui souhaite faire comprendre que personne n’est à l’abri de crimes aussi sordides. Son roman à l’ambiance un peu glauque est donc le point de départ de la trilogie, il décrit le crime. Dans le tome 2, les lecteurs pourront découvrir davantage qui est celui qui a attaqué Annabelle, puis, dans le tome 3, Suzan Payne révélera les motifs, les raisons qui l’ont poussé à commettre cet acte.
Mais pour l’instant, si le tome 1 met de l’avant un crime, il y a inévitablement une enquête policière qui s’enclenche, afin de trouver le coupable. Pour moi, l’histoire, ce n’est pas l’enquête policière, c’est le crime. Mais l’enquête policière prend quand même beaucoup de place dans le roman, parce qu’on n’a pas le choix, concède l’auteure, pour qui deux volets s’alternent dans le roman : un volet avec les deux femmes mystérieusement liées, et le volet avec l’équipe formée de deux enquêteurs, un homme et une femme. Évidemment, les enquêteurs vont quand même aller chercher les bandes vidéo, faire des interrogatoires, il va y avoir de la recherche d’ADN et tout ça. C’est juste que pour moi, l’histoire principale demeure l’histoire des deux femmes.
Comme plusieurs enquêtes, il y aura au fil du roman plusieurs suspects, et aussi de nombreuses fausses pistes. Il y a beaucoup d’indices, mais il y a des indices qui en sont des faux, mais le narrateur ne le dévoile pas. Le lecteur, lui, ne sait rien de plus que les enquêteurs. Il y a un enquêteur qui pense que c’est un tel suspect, et d’après les indices qu’il y a dans le livre, ça pourrait effectivement être celui-là, mais l’autre enquêteur croit que ce n’est pas le bon. Elle ignore qui serait le coupable, elle est simplement convaincue que celui qui est préconisé par son partenaire n’est pas le bon, précise l’écrivaine, qui avoue ne transmettre aucun message social, politique ou féministe, mais mettre toutes ses énergies à créer un bon divertissement.
Finalement, pour s’assurer de créer un bon polar chargé de suspense, l’auteure préconise une écriture qui n’est pas très descriptive, parce que je veux que le lecteur fasse travailler son imagination et que lui-même crée son personnage selon ce que lui trouve épeurant ou non. Si on lit un roman et que le beau gars n’est pas décrit en détails, chacune d’entre nous peut s’imaginer son beau gars dans sa tête et on va lire le livre parce qu’on le trouve beau. Alors que s’il est décrit en détails, en disant qu’il a de grandes oreilles, un petit nez, des yeux bleus et les cheveux frisés, on est obligés dans notre imaginaire de façonner cette personne-là telle qu’elle est décrite, explique Suzan Payne, qui croit que la même logique s’applique pour un vilain, pour ce qui fait peur, et même pour des lieux. De laisser ça à l’imaginaire du lecteur, ça teinte toute sa lecture.
Le polar Annabelle, premier tome de la trilogie « Pour toi mon amour pour toujours » de l’auteure Suzan Payne, est publié aux Éditions Perce-Neige.
Alice Côté Dupuis
7 novembre 2018