«Nipimanitu – L’esprit de l’eau» de Pierrot Ross-Tremblay: Hymne à la joie

24 octobre 2018
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Nipimanitu – L’esprit de l’eau de Pierrot Ross-Tremblay

Nipimanitu

Hymne à la joie

Pierrot Ross-Tremblay le sent : nous sommes dans une époque bien particulière, où nous semblons avoir entre les mains le destin de l’humanité. C’est pourquoi il était impératif pour lui de proposer un changement de cap en ce qui a trait à notre relation à l’environnement et à la nature, une réorientation pour l’avenir, sans quoi on se dirigerait directement dans un récif. C’est pour essayer de secouer un peu les lecteurs, et de proposer une voie, une alternative, que l’auteur a publié aux Éditions Prise de parole son tout premier recueil de poésie : Nipimanitu – L’esprit de l’eau.

L’auteur est Innu et fier de l’être; il tente de partager dans ses écrits des choses qui lui ont été transmises en héritage. Bien sûr, l’humain se nourrit de la terre, qui elle-même est source de connaissances et de contemplation de la nature. Mais Pierrot Ross-Tremblay l’aborde aussi au sens philosophique d’être humain comme une espèce, qui a des impératifs de respect, de générosité, de don, de partage, d’entraide. Il faut essayer de voir à travers les yeux des autres êtres humains, mais aussi à travers ceux des autres espèces, comme les papillons, les oiseaux, les fleurs, etc., afin d’avoir une autre perspective sur la vie, croit l’auteur, et de développer une douceur, une bienveillance et une écoute face à la vie, face aux êtres humains et à toutes les espèces.

Car c’est bien là l’objectif de la poésie de Pierrot Ross-Tremblay : essayer de voir les choses différemment et de regarder au-delà de notre regard humain. Il y a dans mon recueil l’idée qu’on peut changer les choses, qu’on peut réorienter le navire si on évite certains paradigmes de pensée, insiste celui qui nous invite à sortir de nos barbelés psychologiques. J’ai une vision de la terre-mère qui n’est pas monnayable, qui n’est pas une relation d’exploitation, mais qui est une relation de respect fondamental. Mais pas juste avec la terre, avec toutes les espèces qu’on est en train d’exterminer aussi, ajoute-t-il, qualifiant sa poésie d’engagée, certes, mais surtout engagée envers le monde.

Je dirais que c’est une poésie aussi thérapeutique, dans le sens où elle sert à se rappeler nos misères, mais aussi nos victoires, la résilience, de se tourner vers ce qui est vivant et beau. Ma poésie est aussi révolutionnaire, parce qu’il y a une expression de révolte là-dedans, pas contre la vie, mais je dirais par la vie! En tant que chasseur qui passe des semaines dans le bois et sur son canot, Pierrot Ross-Tremblay ne peut qu’avoir développé une conscience envers la nature, mais aussi de notre place. On est beaucoup plus grands, plus puissants qu’on le pense, et en même temps, on est beaucoup plus petits, aussi. Pendant ses semaines seul dans la forêt, il avoue entrer dans un état d’immanence, un peu entre le sommeil et l’éveil, et c’est dans cet état qu’il écrit, presque de façon automatique. Ces méditations, incantations, rêves et mémoires ont ensuite été traduits en poèmes.

Selon l’auteur, son recueil ne parle de rien d’autre que d’espoir, et celui-ci est complet, puisqu’il envisage l’humanité comme si elle était une chenille, c’est-à-dire qu’elle n’est pas au bout de son cycle. Qui peut imaginer la beauté du papillon à venir? C’est certain que notre société n’est pas au bout de son potentiel, mais l’humain lui-même utilise peut-être 10 % de son intelligence; il est où le 90 % qui reste? Donc c’est un peu l’idée fondamentale qu’on est beaucoup plus puissant comme espèce, et que peut-être que face à cette tragédie d’extinction à laquelle on fait face, on va devenir un peu plus héroïques dans notre façon d’agir les uns envers les autres, et surtout envers les plus vulnérables, ajoute Pierrot Ross-Tremblay, qui souhaite que les consciences s’éveillent.

C’est avec le sentiment qu’il ne reste plus beaucoup de temps que l’auteur a écrit son recueil : si ta maison passe au feu, qu’est-ce que tu sauves? Qu’est-ce qui prime sur le reste, qui est plus important? C’est dans cette perspective qu’il adresse la première partie de son recueil aux nectars, c’est-à-dire tout le meilleur, le beau, le nourrissant qu’on a en nous-mêmes, les forces, les beautés cachées en nous, tout ce qu’on peut aller chercher en méditant, en s’intériorisant. Les nectars, c’est ce qui va durer, ce qui va passer à travers le temps, à travers la mort et les cendres. La deuxième partie est quant à elle consacrée à l’esprit de l’eau, source de la vie – Nipimanitu –, avant de s’attarder, en finale, au corps célestes, tout ce qui est au-delà de nous, qu’on ne connaît pas nécessairement mais qu’il faut apprendre à respecter; les grands mystères de l’univers.

Le recueil propose donc une poésie très symboliste, utilisant l’imagerie de la nature et puisant dans l’intime et l’intériorité, surtout pour célébrer l’héroïsme, ce qui nourrit et la beauté. Bien sûr, il y a une certaine dimension métaphysique, et même une certaine conception de la réincarnation, de ce qu’on devient au-delà des cendres et de ce qui se transmet entre les générations, mais finalement, il se veut un appel à l’humanité intégrale, comme espèce. Véritable hymne à la joie et au bonheur, Nipimanitu – L’esprit de l’eau devrait donner le goût à des gens de regarder autrement la nature et les autres espèces, avec une petite graine de spiritualité… pas la grande affaire, mais juste une petite brèche qui fait entrer la lumière.

Le recueil de poésie Nipimanitu – L’esprit de l’eau de Pierrot Ross-Tremblay est publié aux Éditions Prise de parole.

Alice Côté Dupuis
24 octobre 2018