« En attendant l’autobus » de Mélanie Léger : La poésie dans les petites choses

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En attendant l’autobus de Mélanie Léger
La poésie dans les petites choses
La vie est parsemée de petits détails, de moments partagés qui pourraient sembler banals vu de l’extérieur, mais qu’on chérit particulièrement. Pour la polyvalente artiste Mélanie Léger, connue dans les milieux du théâtre et du documentaire en Acadie, les moments privilégiés gravés dans sa mémoire sont ceux passés avec son père à attendre l’autobus tous les jours, dans sa jeunesse. Et même si elle a choisi un personnage de jeune garçon pour la représenter, c’est avec beaucoup de tendresse et de poésie qu’elle se raconte dans En attendant l’autobus, son tout premier album jeunesse, publié aux Éditions Bouton d’or Acadie.
C’est en déclarant qu’En attendant l’autobus est l’une des plus belles histoires qu’elle a reçues dans les dernières années que la directrice littéraire et générale des Éditions Bouton d’or Acadie, Marie Cadieux, commence à parler de cette récente parution. C’est une véritable histoire universelle, d’amour, de partage, mais en même temps autour d’une toute petite chose; souvent, l’amour grandit autour de petits gestes. Là, c’est un papa qui attend son fils et qui l’accompagne tous les jours pour attendre l’autobus. Ensemble, ils plantent un sapin qu’ils vont regarder grandir, et au fur et à mesure que le sapin grandit, l’enfant grandit aussi, raconte l’éditrice à propos de ce récit qui, selon elle, peut mener à plusieurs discussions, échanges et questionnements.
Comme c’est le cas dans plusieurs régions, en Acadie ou ailleurs, l’autobus attendu a un parcours sur de grandes étendues, dans de vastes espaces, et on a le temps de le voir arriver de loin. Apparaissant minuscule à l’horizon, devenant immense lorsqu’il se dresse devant nous, puis devenant à nouveau tout petit en repartant au loin, l’autobus scolaire est un objet bien ordinaire et banal pour l’enfant rendu à l’adolescence, mais peut être source de fascination pour les plus petits. Bien sûr, il y en a des histoires d’autobus scolaires, mais celle-là, vraiment, elle se passe en attendant l’autobus, et c’est une histoire de croissance et d’indépendance. De se servir de l’autobus pour raconter ça, c’est assez original, concède Marie Cadieux.
Se déroulant sur plusieurs années, mais avec très peu de mots, l’histoire voit effectivement le jeune garçon grandir, tout comme le petit arbre planté avec son père. Essentiellement, c’est une façon très poétique, métaphorique, de raconter le parcours de gens ensemble, dans une famille, décrit l’éditrice, qui ajoute que le récit se rend jusqu’à l’adolescence, où on ne veut plus trop être vu avec papa ou maman devant ses amis d’école. On passe donc en revue plusieurs moments-clés du développement, mais tout est très bref, évoqué par petits touches, notamment par des détails dans les illustrations, qui nous font entre autres changer de saison.
Il y a aussi la nature qui évolue, mais c’est vraiment très centré autour de l’émotion de grandir, d’avoir à se séparer – pour les parents d’avoir à se séparer des enfants; pour les enfants, d’apprendre à voler de leurs propres ailes. Mais ces liens-là qui sont établis au départ ne mentent jamais et finissent par nous rassembler tôt ou tard, achève-t-elle d’expliquer au sujet de ce récit d’apprentissage, d’évolution et d’amour, mais surtout d’attachement filial et du rapport père-fils. J’aime beaucoup ça, parce qu’on voit souvent des mamans tendres dans les livres jeunesse, mais là c’est un papa, et il est complètement attentionné, il accompagne son fils dans les premiers moments de l’autobus scolaire, du départ pour l’école, il le voit s’éloigner et il vit ces émotions-là de l’intérieur.
Le texte de Mélanie Léger, écrit d’une façon très simple et dépouillée, contient donc beaucoup d’émotions, et ce, avec une économie de mots. Pour l’éditrice, réussir à évoquer tout cela, tout en permettant quelques enseignements comme les notions du petit, du grand, l’apprentissage de l’espace, de son corps à soi qui évolue, une compréhension du détachement nécessaire vis-à-vis des parents, de cette autre étape dans l’amour et le lien filial, en seulement 24 pages – qui laissent une part belle aux illustrations de Serge V. Richard, de surcroît -, cela relève d’un grand art : ce n’est ni plus ni moins que de la poésie.
L’album jeunesse En attendant l’autobus, de Mélanie Léger, illustré par Serge V. Richard, est paru aux Éditions Bouton d’or Acadie.
Alice Côté Dupuis
28 mars 2018