«L’aventure de monsieur Ouaniche» de Cécile Beaulieu Brousseau: L’union fait la force
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L’aventure de monsieur Ouaniche de Cécile Beaulieu Brousseau
L’union fait la force
Lorsqu’elle est tombée sur une annonce sur le réseau social Facebook, demandant un ou une auteur.e pour rédiger une petite histoire pour enfants afin qu’un jeune homme en réhabilitation à la Maison Réalité de Gatineau puisse vivre l’expérience d’illustrer un simili-livre jeunesse, l’auteure Cécile Beaulieu Brousseau a littéralement relevé le défi. C’est-à-dire qu’elle n’a pas accepté la proposition telle quelle, mais a rehaussé le projet en offrant de faire des démarches auprès de sa maison d’édition pour que le livre soit réellement publié et que l’illustrateur ait un vrai contrat professionnel. L’aventure de monsieur Ouaniche est ainsi paru aux Éditions L’Interligne.
La Maison Réalité existe depuis plus de trente ans et ils peuvent héberger des individus qui ont des problèmes pendant un an pour les remettre les deux pieds solides dans la vie, explique Cécile Beaulieu Brousseau, dont la propre fille a travaillé à cet organisme pendant ses études. Pour l’auteure, le fait de travailler avec un jeune homme qui tente de se sortir de ses problèmes et de cheminer avec lui avait le potentiel de devenir une expérience humaine très intéressante. Celle-là même qui prône l’entraide dans son nouveau livre pour enfants a donc tendu la main à Jérémie Lecompte, qui aime dessiner des animaux et la campagne, et a proposé cette collaboration bien spéciale aux Éditions L’Interligne, qui n’ont pu qu’accepter devant la beauté de l’histoire et des illustrations.
Ce conte animalier existait pourtant dans la tête de Cécile Beaulieu Brousseau depuis bien avant ce projet singulier. C’est lors d’un atelier d’écriture dont le thème était l’eau, il y a une dizaine d’années, que l’auteure a rédigé les grandes lignes de ce qui allait devenir L’aventure de monsieur Ouaniche, c’est-à-dire l’histoire d’un petit crapaud qui est obligé de faire une enquête pour savoir pourquoi il n’y a plus d’eau dans le marécage. L’eau baisse, alors tous les animaux paniquent, et lui est chargé de trouver la raison de ce phénomène-là, raconte celle qui a imaginé un endroit nommé Pessurtère, où entre les animaux – gros, petits, jolis, laids -, il n’y a aucune différence. C’est l’entraide qui règne, et c’est pourquoi le crapaud ne se laissera pas impressionner par le grand héron bleu qu’il croisera sur sa route.
Lui expliquant qu’il n’aura d’autre choix que de se rendre au haut de la chute pour comprendre ce qui se passe, le héron ne manque pas de rire quelque peu du crapaud et de ses pattes courtes qui ne semblent pas pratiques pour réaliser sa mission. Malgré tout, les deux réfléchissent : le crapaud se dit que s’il avait des pattes plus longues ou s’il pouvait voler, il pourrait aller plus loin. Le héron, lui, se dit qu’il aurait aimé ça être détective. Alors tout à coup, ils réalisent qu’ils pourraient s’entraider, que leurs différences pourraient servir à quelque chose. Le héron prendra donc le crapaud dans son bec afin de le mettre sur son dos et de s’envoler vers le haut de la chute.
J’ai fait des recherches pour comprendre la psychologie des animaux : comment l’animal réagit à telle situation? J’ai cherché les émotions ressenties, les difficultés que le manque d’eau peut apporter. Il y a l’inquiétude, beaucoup, qui est travaillée là-dedans. Quand le crapaud arrive au bas de la chute, il panique parce qu’il ne sait plus comment continuer sa mission, et alors tous ses muscles se tendent. C’est une véritable recherche sur les effets sur le corps des différentes émotions que Cécile Beaulieu Brousseau a réalisée pour imaginer son aventure, car elle désirait avant tout que l’enfant puisse reconnaître ses propres comportements dans son livre, qu’il sente que c’est normal de réagir d’une telle façon à une émotion. Si les abeilles volent dans tous les sens, c’est normal que lui aussi tout à coup s’excite! illustre-t-elle.
Arrivés devant un barrage de castor qui empêche l’eau de couler vers le ruisseau et le marécage, le héron et le crapaud se mettent à réfléchir, de pair avec les grands rongeurs, et ils se disent que s’ils prennent tous les habitants de la réserve, s’ils se mettent ensemble avec chacun leur force, ils vont réussir à faire quelque chose. C’est ainsi qu’ils décident de creuser un petit canal en haut de la digue des castors pour amener l’eau au ruisseau, sans déranger les castors, achève d’expliquer l’auteure, qui met véritablement de l’avant les valeurs de confiance, d’entraide, mais aussi d’acceptation des différences.
Celle qui s’est aussi amusée avec les onomatopées dans ce nouvel album jeunesse avoue qu’il y a aussi beaucoup de son enfance dans ce livre. Le petit ruisseau près de la ferme où elle a grandi, qu’elle a vu se dessécher, le majestueux héron bleu de même que les crapauds, tortues et couleuvres qui coloraient ses étés au chalet, mais aussi des échos à sa propre grandeur, pour laquelle elle a souvent subi des railleries. Le crapaud est plus petit que les autres, mais ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas faire de grandes choses!, affirme-t-elle, ajoutant que la différence, il faut passer par-dessus, mais des deux côtés : ne pas rire de celui qui est diminué, et ne pas non plus se sentir diminué parce qu’on n’est pas parfait comme un autre, disons. Chacun a ses qualités qui peuvent l’amener à réaliser quelque chose. Quand on veut, on peut!
L’album jeunesse L’aventure de monsieur Ouaniche de Cécile Beaulieu Brousseau est illustré par Jérémie Lecompte et paru aux Éditions L’Interligne dans la collection « Cavales ». Il est destiné à un public de 4 à 6 ans.
Alice Côté Dupuis
14 mars 2018