“Ah! pour Atlantique” de Sylvain Rivière : Donner accès au monde
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Ah! pour Atlantique de Sylvain Rivière
Donner accès au monde
Quand on est né en Gaspésie sur le bord de la mer, qu’on a vécu aux Îles-de-la-Madeleine pendant une vingtaine d’années, qu’on publie dans une maison d’édition acadienne et qu’on porte un patronyme désignant un cours d’eau, il n’est pas étonnant de s’intéresser à l’océan dans toute sa majestuosité. Mais quand on est un jeune d’un peu partout dans la francophonie et qu’on n’a pas nécessairement accès à un cours d’eau, c’est grâce à un ouvrage comme Ah! pour Atlantique, un abécédaire de Sylvain Rivière, illustré par Réjean Roy et publié chez Bouton d’or Acadie, qu’on peut pleinement découvrir le monde et voyager en mer.
Véritable voyage autant au-dessus que sous la mer, avec les poissons, les algues, et tout ce que ça comporte, Ah! pour Atlantique se veut, aux dires de Marie Cadieux, directrice générale et littéraire des Éditions Bouton d’or Acadie, un tour d’horizon poétique des merveilles qui constituent l’océan Atlantique. Ça peut être autant la flore, la faune, les objets comme un quai, un bateau, un filet de pêche, un kayak, que l’environnement comme la dune et le crabe vert. C’est dans la pure tradition de l’abécédaire, avec particularité que ça tourne strictement autour d’une thématique, qui est l’océan Atlantique.
Oubliez cependant l’abécédaire pour tout petit, dans lequel chaque mot comporte une description d’une ou deux phrases, sans plus. Ici, chaque mot a droit à son court poème en vers : il y a vraiment une réflexion poétique autour du mot. Épave, par exemple : bien sûr, ça parle d’épave, il y a une magnifique image qui accompagne le texte, mais l’épave, c’est aussi le mystère, c’est de l’histoire, c’est – et c’est très bien dit – un cimetière marin. Il y a plein de choses au-delà de strictement le mot épave, ce n’est pas du tout descriptif, c’est quelque chose de métaphorique, illustre l’éditrice, qui est fière de ce projet pour son côté tant éducatif que ludique, utilisant de surcroît la poésie comme moyen d’expression.
Je pense que ce qui est important, aussi, c’est qu’il y a un côté écologique là-dedans, d’écoresponsabilité, à partir du regard qu’on porte sur tout ce qui nous entoure et sur le paysage qu’on habite, ajoute Sylvain Rivière, l’auteur de cet abécédaire poétique. Pour lui, ni la poésie employée ni les réflexions sur l’environnement et l’écologie qui pourraient suivre la lecture de son œuvre ne sauraient être trop complexes ou rébarbatives pour les jeunes lecteurs : il ne faut surtout pas sous-estimer les enfants. Ce qu’on prend souvent pour de la naïveté, c’est souvent de l’ultra-lucidité. De toute façon, même si les enfants peuvent parfois être très terre-à-terre et concrets, ils sont souvent aussi, selon Marie Cadieux, de grands poètes : ils font des métaphores constamment dans leur façon de parler.
Dire et montrer les choses, et laisser les gens lire entre les lignes ce qu’ils veulent bien découvrir à partir de ça, voilà la volonté de l’auteur, pour ce projet-ci autant que pour ses autres ouvrages : Je pense que quand on écrit, il faut avoir le respect de l’intelligence du lecteur et ne pas lui tenir un entonnoir sur la tête pour lui remplir le cerveau de ce qu’on veut lui faire entendre, mais plutôt de lui ouvrir une porte, et puis s’il veut entrer dedans, libre à lui. Moi je suis plus dans ce respect-là, autant que je suis dans le respect de l’écologie, plus que dans la dictature de la pensée. C’est plutôt naturellement, de façon presque instinctive, que plusieurs connaissances découlent des poèmes de Sylvain Rivière, sans forcer sur le côté éducatif, croit l’éditrice de Bouton d’or Acadie. Bien sûr, il y a un certain côté éducatif par la force des choses, presque un côté documentaire, mais on n’est pas dans l’enseignement, on est dans la création littéraire.
Simplement le fait d’apprécier la nature, d’apprendre à la connaître, de nommer les choses, je pense que déjà, ça fait œuvre d’éducation ou de formation, croit Marie Cadieux, tandis que Sylvain Rivière revient sur l’importance de ne pas rebuter avec des leçons, mais plutôt de transmettre ce qui l’habite de façon amusante. Il ne faut pas oublier que ce ne sont pas tous les enfants qui y ont accès; il y en a qui n’ont jamais vu la mer. Ils ne sont pas nécessairement à côté, ils ne peuvent pas soupçonner, ils ne peuvent même pas savoir que ça a une odeur, que ça a une musique et tout ce que ça comprend! Moi, je me sens privilégié parce que je suis né au bord de la mer, donc je suis redevable de redonner un peu ça, explique celui qui tente de réinventer le monde en douze lignes, au sujet tantôt d’un homard, tantôt d’un bateau, et qui ancre bien son abécédaire dans l’expression « une image vaut mille mots », tant grâce à ses courts poèmes imagés qu’aux sublimes illustrations réalistes mais poétiques de Réjean Roy.
Finalement, Ah! pour Atlantique est un fabuleux voyage pour quiconque voudrait découvrir l’océan sous toutes ses facettes, sans toutefois se faire tenir par la main dans une histoire et en se donnant le droit de poursuivre la promenade dans son imagination. Truffé d’images poétiques – au sens propre comme au sens figuré –, cet abécédaire saura accompagner le lecteur longtemps, tant grâce à ses découvertes marquantes qu’en raison des significations variées et de la compréhension différente qu’on pourrait avoir de ses propositions poétiques à un âge plus avancé qu’en enfance. Voyager en tournant des pages, ça n’a pas d’âge!
L’abécédaire Ah! pour Atlantique de Sylvain Rivière, illustré par Réjean Roy, est publié aux Éditions Bouton d’or Acadie.
Alice Côté Dupuis
13 décembre 2017