«Otages de la nature» de Daniel Marchildon : La fin justifie-t-elle les moyens?

21 mars 2018
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Otages de la nature de Daniel Marchildon

La fin justifie-t-elle les moyens?

Il était au Manitoba, en balade dans le sentier Spirit Sands du Parc provincial Spruce Woods – une espèce de désert entouré de forêt et de végétation – quand l’auteur franco-ontarien Daniel Marchildon s’est senti emporté dans un autre monde. Non seulement le paysage autour de lui était frappant, mais la spiritualité et l’émotion qu’il ressentait en entrant dans cet endroit important pour les communautés autochtones de la région l’étaient aussi. C’est cette expérience marquante, cette sensation d’une parcelle d’environnement véritablement sacrée qui l’a inspiré pour écrire ce qui allait devenir Otages de la nature, un roman publié dans la collection 14/18 des Éditions David.

En quelque sorte une fable écologique, Otages de la nature est un roman d’action qui met en scène des personnages qui se retrouvent dans le nord de l’Ontario et qui luttent pour préserver un bout de forêt contre l’exploitation forestière, résume l’auteur. Mais c’est également une histoire entre une mère et son fils, et aussi une histoire de retour aux sources et de découverte de ses racines, finalement, achève-t-il d’expliquer. C’est que dans le contexte qu’il a inventé, la zone forestière à sauver est sacrée pour les Anishnabés, communauté autochtone dont est issue Fleur Monague, la mère en question, qui revient dans la communauté.

Ancienne chanteuse country qui a connu son heure de gloire, mais qui a depuis sombré dans l’alcool et la déprime, Fleur Monague est invitée dans la communauté de Rivière-Ahmic – un village inventé près d’une réserve autochtone – pour chanter dans un spectacle-bénéfice qui vise à appuyer la résistance de la population à un projet d’exploitation forestière. La chanteuse s’y rendra avec son fils et tout ira bien : elle sera reconnue et applaudie, jusqu’à ce que le spectacle tourne mal, car il y a des écolos qui manifestent et qui prennent la scène, donc son fils Alex et elle doivent partir, raconte Marc Haentjens, directeur général des Éditions David.

C’est après avoir trouvé refuge dans une ancienne pourvoirie, accueillis par monsieur Leblanc, que Fleur et Alex vont être exposés à la beauté de l’environnement local : il y a entre autres une dune sacrée qui est dans le bois, où souffle, selon les croyances autochtones, l’esprit des sables, et qui est l’enjeu de la résistance des écologistes, ajoute l’éditeur pour illustrer de quelle façon les deux protagonistes seront eux aussi subjugués par le pouvoir et la beauté de la nature. Pourtant, ce monsieur Leblanc finira par prendre la mère et son fils en otage, en réclamant en échange que la compagnie forestière abandonne son projet.

Évidemment, ce geste extrême posé crée un certain suspense dans le roman de Daniel Marchildon, puisque l’histoire devient alors assez mouvementée, allant à un rythme de plus en plus rapide, au fur et à mesure que l’action se développe. Par cette prise d’otage, l’auteur souhaite poser une interrogation au lecteur, appeler à travailler sa conscience écologique. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour sauver l’environnement? Évidemment, chacun trouvera sa réponse et l’écrivain ne souhaite pas dire aux gens quoi penser. J’essaie de leur présenter des situations qui vont susciter leur réflexion, les pousser à arriver à leurs propres conclusions par rapport à la question que j’essaie de mettre en valeur dans mon roman.

Cette question en valeur dans Otages de la nature, c’est bien sûr qu’on n’a qu’une seule planète Terre, et qu’il faut en prendre soin. Nous sommes tous des otages de la nature, qu’on le veuille ou non : qu’on soit dans une grande ville ou dans un endroit isolé, il y a toujours la nature autour de nous. Elle nous tient en otage parce qu’on ne peut pas s’en libérer et on doit vivre avec, alors il faut la respecter, affirme l’auteur, qui croit qu’il est difficile de parler d’enjeux environnementaux sans aussi aborder les enseignements importants, les leçons et messages qui proviennent des communautés des Premières nations, ce qui justifie que son personnage de Fleur Monague soit Anishnabée.

Marc Haentjens est enchanté par les différentes thématiques présentes dans le roman, tout aussi intéressantes que pertinentes : le retour aux sources de cette Autochtone et la découverte de cet environnement par son fils Alex, qui lui n’a jamais vécu dans la région, la question d’équilibre écologique, de respect de la nature, le rapport entre Blancs et Autochtones, l’idée de la possession du territoire et, aussi, une petite intrigue amoureuse entre le jeune Alex et Danika Copecog, une jeune anishnabée de la réserve. Je pense que ce ne sont pas toutes des notions qui sont évidentes, donc les jeunes qui vont lire le livre pourraient découvrir ces réalités-là. Même pour la dune sacrée, on n’est pas dans un cours de spiritualité, mais on comprend quand même qu’il y a quelque chose qui s’attache à cette dune-là, qu’il y a une histoire, donc ça nous donne envie de comprendre davantage cette réalité.

Une chose est sûre, c’est qu’il y a beaucoup d’action dans ce roman et qu’on ne peut s’ennuyer à sa lecture. C’est un roman qui se lit d’un trait, parce que Daniel Marchildon est un très bon conteur : il sait très bien construire et raconter des histoires. Ce n’est pas un gros roman, mais ça rebondit continuellement, l’histoire avance très bien, très vite, croit l’éditeur, tandis que l’auteur insiste aussi sur le côté philosophique de son livre : est-ce que la fin justifie les moyens? Il faut qu’on se pose cette question-là aussi, à savoir si le genre d’action qui se déroule dans le roman, c’est acceptable. Alors c’est philosophique sur l’environnement, mais aussi sur notre point de vue là-dessus et jusqu’où on est prêts à aller.

Le roman Otages de la nature de Daniel Marchildon est publié dans la collection 14/18 des Éditions David.

Alice Côté Dupuis
21 mars 2018