«Quand on était seuls» de David Alexander Robertson: La voie de la réconciliation

30 janvier 2018
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Quand on était seuls de David Alexander Robertson 

La voie de la réconciliation

Après avoir écrit quelques romans graphiques sur les écoles résidentielles – aussi appelées pensionnats –, David Alexander Robertson a constaté que les plus jeunes élèves, de maternelle ou de première année, n’avaient pas de tels ouvrages pour découvrir cette réalité. Désireux d’ouvrir un dialogue dès le plus jeune âge, de façon douce mais efficace, l’auteur de la Première Nation crie a comblé ce manque de jolie façon avec When we were alone, qui a remporté le Prix du Gouverneur général en 2017. Quand on était seuls, sa traduction française, est publié aux Éditions des Plaines.

Les histoires sont la meilleure façon d’aborder doucement un sujet délicat, mais de ne pas non plus se défiler, selon l’auteur. C’est pour cette raison qu’il a imaginé ce récit, comme une introduction simple et facile à la réalité des écoles résidentielles. Je l’ai fait en livre illustré parce que je trouve ça important de lire ce genre de choses-là ensemble, et d’apprendre ensemble; je voulais que ce soit une expérience qui engage tant les enfants que leurs grands-parents, leurs parents ou même leurs enseignants, explique celui qui a décidé de mettre en scène une grand-mère et sa petite-fille, et de dépeindre leur belle relation, et l’importance de cette connexion intergénérationnelle et de ce legs d’histoires et d’expériences d’une génération à l’autre.

On découvre donc dans Quand on était seuls une petite-fille et sa grand-mère qui jardinent ensemble, lorsque la jeune fille remarque quelques caractéristiques particulières chez son aïeule et se met à lui poser des questions. C’est ainsi que la vieille dame se mettra à raconter son passage dans une école résidentielle, afin d’ultimement lui faire comprendre l’importance de l’émancipation et de la récupération de sa propre identité après cette expérience traumatisante. Cela se fait gentiment, mais sans passer à côté de la vraie histoire. Au final, je crois que c’est une histoire qui redonne du pouvoir aux Premières Nations, parce qu’elle les remet en valeur. Et c’est quelque chose qui est très important : réclamer et récupérer son identité.

Ce livre traite donc globalement de l’histoire des écoles résidentielles, mais s’attarde réellement aux quatre façons dont ces pensionnats ont arraché aux autochtones leur identité : par la perte de leurs cheveux en tresses, la perte de leur langue, la séparation d’avec leur famille, et l’obligation de porter un uniforme. Les lecteurs en apprendront donc, par la bande, à propos de la langue crie, des robes et costumes portés durant les Pow-wow, et de l’importance culturelle et spirituelle pour les gens des Premières Nations de porter les cheveux longs et tressés, précise David Alexander Robertson, dont la grand-mère fait partie des nombreux Autochtones à être passés par ces écoles qui ont laissé d’importantes séquelles, qui se sont transmises aux générations suivantes, comme un boulet.

Je n’ai rien su de l’expérience de ma grand-mère dans une école résidentielle avant d’être un homme et qu’elle soit décédée, raconte l’auteur. C’est définitivement quelque chose qui m’a manqué, et je ne voulais pas que d’autres jeunes, qu’ils soient des Premières Nations ou non, grandissent en n’ayant jamais entendu parler de ces écoles. Je crois que c’est quelque chose qu’on devrait apprendre à nos enfants à un très jeune âge, mais de façon appropriée. Pour Robertson, qui sait dorénavant que ce genre de situation est arrivé dans plusieurs communautés et dans d’innombrables familles, le processus de guérison se doit de passer par la découverte de ces histoires, et surtout leur partage. C’est ce que je voulais faire avec ce livre : ajouter ma voix dans le processus de réconciliation entre les peuples au Canada, pour qu’idéalement, tous les Canadiens puissent commencer à découvrir et à apprendre davantage ces pans de notre histoire.

Au final, il est nécessaire d’entendre ces réalités et d’y être confronté pour mieux comprendre ce par quoi les Premières Nations sont passées. C’est cette compréhension, cette ouverture et cette empathie qui découleront de ces histoires partagées qui pourront, selon David Alexander Robertson, mener aux changements dans la société. Je crois que si on informe nos enfants à propos de ces histoires, ils informeront les générations suivantes à leur tour, et c’est ça, pour moi, le processus de réconciliation. C’est vraiment important.

Mais ce qui est aussi primordial pour l’auteur, et qui est le but premier de son livre illustré pour enfants, c’est certainement que les jeunes des Premières Nations comprennent qu’ils ne seront plus jamais seuls. Qu’ils se réconcilient avec eux-mêmes aussi, en ne pensant plus jamais qu’ils ne sont pas assez ceci ou trop cela; qu’ils sachent qu’ils sont exactement qui ils doivent être, et que leur unicité et leurs particularités sont des choses qu’ils doivent respecter et apprécier. C’est sacré.

Le livre illustré Quand on était seuls de David Alexander Robertson a été traduit par Diane Lavoie et sa version française est publiée aux Éditions des Plaines.

Alice Côté Dupuis
31 janvier 2018