Poèmes de la résistance dirigé par Andrée Lacelle: Sonder la solidarité

5 juin 2019
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Poèmes de la résistance dirigé par Andrée Lacelle

Sonder la solidarité

Poemes-de-la-resistance_150Après les compressions dans la francophonie ontarienne adoptées par le gouvernement de Doug Ford à l’automne 2018 – élimination du projet d’Université de l’Ontario français et fermeture du Commissariat aux services en français de l’Ontario –, la poète franco-ontarienne Andrée Lacelle ne pouvait tout simplement pas ne pas se positionner, répliquer et faire entendre son mécontentement. Lançant rapidement un appel à des poètes de son entourage, elle a mis en place un poème « rapaillé » qui allait circuler sur les réseaux sociaux. Ce dont elle ne se doutait pas, c’est que dans la foulée, les Éditions Prise de parole allaient s’intéresser à sa démarche et plonger avec elle dans l’arène : ainsi sont nés les Poèmes de la résistance, un recueil collectif de 37 auteurs, dirigé par Andrée Lacelle.

En à peine quelques mois, le recueil collectif, né dans la foulée du poème « rapaillé » Dire la lumière de notre colère, s’est organisé et mis en place. C’est Stéphane Cormier, des Éditions Prise de parole, qui a contacté Andrée Lacelle le premier, pour lui proposer de diriger un ouvrage collectif qui serait une sorte de suite logique au poème initial, lancé sans intention de publication, mais qui avait obtenu trop de réactions pour rester lettre morte. J’ai accepté, parce qu’on ne peut pas dire non à ça, et puis il fallait faire quelque chose absolument, avoue Andrée Lacelle, qui a finalement contacté une quarantaine de poètes nés en Ontario, y habitant ou y ayant séjourné et qui y reviennent régulièrement, pour aboutir avec 37 textes qui ont chacun leurs propres couleurs, leur propre voix, et chaque poème reflète jusqu’où chacun, chacune veut aller dans cette prise de position, et ça donne ce résultat dont je suis très fière.

Tant des poètes bien établis que de la plus jeune génération ont répondu à l’appel, et dans le lot, la directrice du recueil souligne l’apport de Pierre Raphaël Pelletier – qui offre une réflexion de type philosophique sur le besoin de liberté –, de Nicole V. Champeau, Michel Ouellette, Éric Charlebois ou encore Lélia Young, notamment. Bien sûr, il y a Jean Marc Dalpé, on ne passe jamais à côté, mais il y a aussi des gens qui sont venus un peu plus récemment dans notre littérature, et on est content de ça aussi : François Baril Pelletier, Sonia-Sophie Courdeau, etc. Il y a aussi des gens qui sont nés ailleurs, comme Blaise Ndala et Angèle Bassolé, qui sont d’origine africaine, et Gabriel Osson, qui est né en Haïti. On a donc des espaces différents, et aussi des gens qui sont partis depuis longtemps, comme Louis Patrick Leroux, par exemple, mais qui contribuent beaucoup à notre littérature. J’aime beaucoup cette variété, admet Andrée Lacelle.

La multitude de poètes confère donc au recueil une diversité de styles et de genres, ce qui permet à sa directrice de penser que n’importe qui peut y trouver son contentement à un moment ou à un autre. Et si les auteurs ont répondu aussi nombreux, la poète croit que c’est parce que les gens en ont eu vraiment plus que ras-le-bol de cette prise de position-là, qui est vraiment une attitude qu’on pourrait qualifier d’arrogante, quelque part, parce que évidemment, ce gouvernement parle de budgets, mais franchement, quand on regarde partout où ces coupes ont été faites – et encore récemment dans des écoles d’immersion francophones dans la région de Toronto – on dirait bien qu’il y a quelque chose de dirigé contre les francophones et francophiles, lance-t-elle dans un élan passionné.

Ainsi, on peut voir dans certains textes que quelques auteurs ont choisi d’attaquer de façon frontale et de circonscrire leur poème dans l’immédiat et la réaction à chaud, tandis que d’autres, comme Margaret Michèle Cook, servent une sorte de regard transposé dans le temps. Moi, dans mon poème j’ai les deux : j’ai voulu d’une part circonscrire ce qui se passe, ce qui m’a motivée à écrire – la pulsion de départ –, mais j’essaie aussi de porter un regard vers le passé, quand j’étais enfant, et aussi de projeter ça dans l’avenir : qu’est-ce que nous ferons de notre avenir, quels sont les présages? illustre Andrée Lacelle. Chacun a donc adopté la posture qui lui convenait, avec comme seules consignes de s’inscrire dans l’un des thèmes affichés sur la page couverture du recueil : « tenir tête », « sentiment », « cohésion », « résistance électrique » ou encore « temps » et de rédiger un poème d’au plus trois pages.

Cet ensemble de textes inédits, livré à l’intention du Parti conservateur de l’Ontario, mais qui tient aussi lieu d’appel à toute notre collectivité à nous rassembler autour de ces mots-là et de ce désir-là d’exister à part entière, se sert de la poésie pour affirmer la présence de francophones en Ontario : vivre enfin notre présence à part entière ici, en ce lieu. C’est ça qu’on veut, finalement, c’est quelque chose de très simple, affirme Andrée Lacelle qui souhaite que les lecteurs comprennent que les Franco-Ontariens existent, qu’ils ont des voix et qu’ils ne renonceront à rien, surtout. On ne manque pas de souffle et on n’en manquera pas de sitôt!

Car bien que l’Ontario français soit un espace difficile à cerner, parce que les Franco-Ontariens sont éparpillés dans le vaste territoire et que la solidarité n’est pas toujours sentie d’une région à l’autre, c’est précisément dans une volonté de consolider l’entraide et la fraternité que Poèmes de la résistance a vu le jour. Avec ce recueil-là, on sonde la solidarité franco-ontarienne au Nord, au centre-sud et à l’Est, là où nos poètes se trouvent; on lance une sonde, et on attend ce qui va se passer, comment les ondes vont bouger. Moi, je suis optimiste dans ma lecture de ce livre, ajoute Andrée Lacelle, parce que je vois que beaucoup réclament une place, et ça, ça me plaît beaucoup.

Le recueil de poésie Poèmes de la résistance, un ouvrage collectif dirigé par Andrée Lacelle, est paru aux Éditions Prise de parole.

Alice Côté Dupuis
5 juin 2019