«Franchir l’espace», par l’organisme 100 NONS : En avant la musique!

8 novembre 2017
Nouveauté de la semaine
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une nouveauté franco-canadienne

Franchir l’espace par l’organisme 100 NONS

 

En avant la musique!

« Je franchis l’espace / Rapide, joyeux / La terre s’efface » écrivait Jean-Marie-Arthur Jolys en découvrant le paysage des Prairies canadiennes, à la fin du dix-neuvième siècle. Qui aurait cru que plus de cent ans plus tard, l’organisme manitobain 100 NONS ainsi que les Éditions du Blé réutiliseraient sa poésie afin de décrire la musique francophone de l’Ouest et du Nord canadiens? C’est pourtant le constat qui s’impose à la lecture de Franchir l’espace, un ouvrage à mi-chemin entre l’anthologie et le beau livre : les artistes qui y sont présentés ne sont pas ancrés dans leur province; ils en sont fiers et la représentent, mais ils n’ont pas peur de franchir tous les espaces, que ce soit entre les différents genres musicaux ou entre les provinces et les territoires.

Plus ta communauté est petite et plus, quelque part, tu essaies de tirer profit des forces du plus de monde possible autour d’une passion. Ce n’est pas juste une question de langue, c’est vraiment une question d’artistes qui font le pont entre les deux langues, mais aussi entre les provinces, d’où le titre qui est vraiment représentatif, explique rapidement Emmanuelle Rigaud, directrice générale des Éditions du Blé. Et de ces artistes francophones issus d’une minorité, il y en a plus de 130 répertoriés dans cet ouvrage majeur, aux côtés de professionnels de la musique – producteurs, diffuseurs, etc. –, d’organismes et de salles de spectacles mythiques qui ont joué un rôle important au cours des 50 dernières années.

Pour recenser toutes les informations pertinentes à la confection de cet ouvrage de référence, il a fallu bien du temps (le projet est né en 2013!), mais aussi des professionnels du milieu : c’est le 100 NONS, grâce à l’initiative de Ronald Tremblay, qui a coordonné le projet, avec l’aide de plusieurs partenaires de la musique francophone de l’Ouest et du Nord canadiens. Pour chaque artiste répertorié en ordre alphabétique, on retrouve donc des informations décrivant les albums qu’ils ont paru et qui ont bien fonctionné, les prix qu’ils ont gagné, mais aussi le style de l’artiste, s’il est toujours actif ou pas, et si oui depuis quand, dans quelle province il habite, quel est son site web, bref, des infos très pratiques, et à côté de ça, la biographie.

Si l’objectif de départ était de créer une anthologie de la musique de l’Ouest, une sorte de répertoire des artistes, ce sont les Éditions du Blé qui ont exigé l’ajout de textes de fond qui représenteraient les idéologies ainsi que les problématiques vécues dans ces milieux. On voulait quelque chose de plus, qui mette en contexte; c’est important de raconter leur histoire aussi dans leur transversalité, pas juste par individus, justifie Emmanuelle Rigaud, qui a aussi tenu à ce que ce soient des rédacteurs de l’Ouest qui rédigent les articles de fond. Du coup, on a quelques auteurs du Blé comme Charles Leblanc, par exemple, mais aussi des historiens d’Alberta, et des passionnés de musique, simplement. Il y a aussi David Baudemont de la Saskatchewan, donc on a picoré du monde un peu partout, des milieux littéraire et journalistique, notamment.

Dans ces articles de fond, par exemple sur « La musique et les fransaskois » pour comprendre comment la musique s’est développée en Saskatchewan, ou bien sur l’électronica, afin de découvrir que les artistes francophones de l’Ouest ont aussi participé à la musique électronique, on retrouve plusieurs mises en contexte ou des historiques variés. C’est vraiment, de manière générale, la musique dans toute sa globalité. On parle plus d’instantanés, de moments de la musique, que ce soit à travers une personne, à travers une salle, à travers un événement; il y a un peu de tout qui est revu dans cet ouvrage-là, indique l’éditrice, qui retient de cette publication un fort esprit de communauté, une impression que grâce à ce livre, ces quelque 130 artistes font partie d’un tout, d’un groupe, et qu’ils ne sont plus isolés dans leur province.

Il y a de très bons questionnements, c’est vraiment un livre qui parle assez ouvertement des enjeux d’aujourd’hui. Ce n’est pas un livre qui est là juste pour promouvoir les artistes, il pose de vraies questions, ajoute Emmanuelle Rigaud, qui souligne par exemple la postface en exemple, dans laquelle la chanteuse Anique Granger s’entretient avec un diffuseur, un producteur et un formateur afin de déterminer si, dans l’Ouest, ils font les choses correctement en musique ou pas. Pousse-t-on les artistes à faire paraître trop rapidement des albums avant même qu’ils puissent avoir le temps de bien se former au métier de la scène? On se demande aussi, en cours de lecture, s’il est possible de rester dans sa province, dans son milieu minoritaire, et de connaître une carrière qui fonctionne bien tout de même?

Une chose est sûre, c’est qu’il n’y a pas que trois ou quatre groupes qui se battent pour essayer de percer dans les milieux minoritaires de l’Ouest et du Nord canadiens. Ça marche vraiment fort, on a des gens qui gagnent des prix, qui vont à l’international. Le livre, c’est pour montrer ça, pour dire que c’est dynamique, que c’est actif. Pour montrer ça aux diffuseurs, déjà, qui sont peut-être dans d’autres provinces, et puis aussi pour montrer aux artistes émergents et leur dire « Regardez, ça fonctionne, on peut y arriver en restant dans l’Ouest ou dans le Nord, on peut réussir à faire carrière en français. », achève d’expliquer l’éditrice, sur une note d’espoir.

Dans les 350 quelques pages du volume, qui aideront certainement les professionnels, diffuseurs, programmateurs et aussi médias grâce à la concentration d’informations pertinentes, c’est simplement aux amateurs de musique, quels qu’ils soient, qu’on s’adresse, en leur racontant une histoire méconnue. Donc si tu aimes la musique ou les jolies histoires de manière générale, Franchir l’espace te convient aussi.

L’ouvrage de référence Franchir l’espace, dirigé par le 100 NONS, est publié aux Éditions du Blé.

Alice Côté Dupuis
8 novembre 2017